L’expérience musicale fait partie du voyage
Je fais partie de ceux qui aiment emporter de la musique en voyage. Mais pas seulement. J’aime aussi la vivre. A la rencontre d’un autre pays et d’une autre culture, il est plus qu’intéressant d’aller se confronter à la musique locale, car on y apprend beaucoup.
Et de ce côté là, les russes ont plus d’un tour dans leur sac. Ils sont comme tout le monde le sait, virtuoses en musique classique, en opéras et ballets. Ils ont des écoles de musiques toujours classées parmi les meilleures au monde. Ils ont aussi depuis les années 90 une multitude de groupes de rock, de punk, de rap et même de reggae (et oui !), ou encore de folk ou de jazz. Les musiciens russes au delà de leur talent évident ont aussi une originalité qui leur est propre. Si vous êtes mélomane, musicien, adepte de jam sessions improvisées, vous devriez trouver votre bonheur en Russie, comme j’ai eu la chance de le trouver à maintes reprises. Laissez-moi vous en conter quelques unes…
La musique si spontanée en Russie, comme vecteur de transmission de l’âme russe
Dès que vous passez un moment en Russie, que vous trouvez le temps d’aller en soirée, chez des amis, les russes vous feront vibrer et souvent avec les moyens du bord. Il suffit de peu pour qu’une ambiance de folie surgisse. Il suffit souvent d’une guitare et de quelques russes qui se rassemblent autour de quelques verres. L’un d’entre eux prend la guitare, il ou elle grattouille quelques accords et c’est parti. Les convives se mettent à chanter pour accompagner le guitariste. Tout le monde s’accorde sur une chanson que tout le monde semble connaitre sauf vous.
Mais peu importe, vous n’avez rien de spécial à faire, à part vous laisser porter en suivant le rythme. Les russes sont imbattables à ce jeu là. Ils sont forts de cette culture commune très présente. Celle qui fait qu’en quelques minutes, tout le monde se retrouve autour d’une chanson populaire, puis d’une autre et encore et encore, jusqu’à épuisement du répertoire de l’instrumentiste. Jusqu’à entrer dans la nuit par ce tourbillon pétillant de vie.
Leur répertoire est si fourni, qu’il permet de tenir plusieurs heures toute une soirée durant et bien plus parfois. Ces soirées là se passent autour d’un feu, à la campagne, à la datcha, dans un parc en ville ou dans un appartement. Et l’on y retrouve cette tradition extraordinaire sous toutes ses formes d’un bout à l’autre de l’immense pays.
J’ai toujours été subjugué de voir ces russes commencer une soirée en compagnie de personnes parfois étrangères les unes des autres, rassemblées là pour quelques jours ou quelques heures, au hasard d’une de ces croisées des chemins. Peu importe qu’ils se connaissent ou pas. Ils savent par cœur les paroles de tellement de chansons ayant bercé leur jeunesse, que tout est alors possible. Ces soirées là, vos amis russes vous y inviteront et vous verrez alors l’art de la fête à la russe. Ce grand spectacle qu’ils savent donner de manière presque théâtrale, le plus souvent à l’aide de trois fois rien vous portera jusqu’au bout de la nuit ou au petit matin.
Jouer de la musique sur scène avec des russes
Pas besoin d’être un grand musicien pour faire des rencontres musicales très intenses en Russie. Vous savez jouer quelques accords et les tenir un moment, vous connaissez les paroles d’une ou de quelques chansons, vous savez jouer d’un instrument, même juste un peu. Si vous l’avez avec vous ou si vous le trouvez sur place, vous aurez sûrement l’occasion de vous y essayer en bonne compagnie.
Il y a une époque où j’emmenais partout avec moi une percussion que j’aimais jouer, mon jumbe. Cette percussion d’origine africaine émet ce son communicatif et permet souvent de rencontrer du monde, attiré par le rythme. C’était le cas en France et ailleurs. ça a été le cas aussi en Russie. Le son de cet instrument rassemble vite quelques adeptes et il n’est pas rare de voir alors quelques uns d’entre eux se joindre au rythme et se mettre à danser. On voit apparaître d’autres percussions et l’assemblée grandit. J’étais étudiant à l’époque et naturellement, quand je suis arrivé en Russie, je l’avais avec moi… Je vivais alors dans un Obshejitie, ces immeubles réservés aux étudiants avec cuisine, douches et toilettes communes.
Une soirée d’été, lors d’un festival de musiques électroniques, en pleine campagne de la région de Saint Petersbourg, je me suis posé là un peu à l’écart de la foule sur un muret et j’ai commencé à jouer. Au bout de 3 minutes à peine, un russe un peu branché me dit “hey, you play jumbe”. Nous avons commencé à discuté un peu et il m’appris qu’il y avait d’autres percussionnistes sur le festival, là bas sous une tente prévue pour ça un peu en contre bas.
Très heureux de cette rencontre je me suis dirigé vers cette tente. Dessous, un rythme jouait. Plusieurs percussionnistes étaient là avec quelques instruments orientaux qui faisaient un son très particulier comme ils étaient amplifiés. En me voyant arriver avec mon instrument, ils m’ont tout de suite fait un peu de place et mon fait signe de m’installer. J’ai commencé à jouer, doucement, le temps de me faire à l’ambiance. Il m’ont tendu un micro pour placer devant ma percussion, et je me suis progressivement laissé aller.
Ce qui est vraiment génial avec les russes, c’est que tout le monde à droit de faire des erreurs. Bien sûr tout était improvisé, je n’avais rien préparé. Mais là bas, tout le monde accepte les erreurs des autres et quelque part, cela met en confiance et surtout cela donne l’occasion d’essayer vraiment. J’ai continué à jouer. J’ai vu dans l’assistance que plusieurs personnes commençaient à bouger sur le rythme et j’ai du jouer plus d’une heure cette fois là. Lorsque j’ai arrêté, l’auditoire avait l’air satisfait de voir un étranger débarquer de nulle par, juste comme ça avec un Jumbe, instrument plutôt rare en Russie.
Plusieurs personnes sont venus me parler après ça et j’ai sympathisé avec l’un des musiciens qui allait devenir un ami… Ali. Ali était un personnage, d’origines diverses, arabe, russe et autres… Il avait un appartement place Sennaya à Saint Petersbourg. Cet appartement était incroyable, une sorte de caverne d’Alibaba dont les murs étaient couverts de toutes sortes d’instruments et dont certains étaient même “fait maison”. Ali avait de quoi enregistrer chez lui, quelques micros, des instruments exotiques à cordes branchés sur ampli qui émettaient un son très grave. Sa vie, c’était la musique, une sorte de musique improvisée, loin d’être parfaite, mais qui partait souvent dans une sorte de transe et qui avait l’art d’étonner et captiver certains.
Cette rencontre était l’une des plus improbables que j’ai pu faire en Russie. Chez Ali, beaucoup de monde passait presque tous les soirs pour parler musique et fête. Il connaissait des musiciens de tous styles et origines qui passaient pour jouer un moment, puis repartaient. J’ai croisé chez lui quelques très bons musiciens qui faisaient parfois partie de groupes connus, comme le bassiste de Kalinov Most, un excellent musicien, impressionnant.
Quand Ali était en forme, il avait l’art de convoquer quelques connaissances en dernière minute. Cela se passait toujours de manière totalement improvisée. Arrivait un flutiste, deux ou trois percussionnistes et même des danseuse du vente avec leur costumes orientaux. Ali me disait juste : “on va jouer ce soir, tu viens ?”. Et je répondais : “ok, mais qu’est-ce qu’on va jouer ?”. Il se contentait de mon montrer un rythme de base et de me dire… “ne t’inquiètes pas…”. Quelques moments plus tard, on se retrouvait sur scène, une fois dans un pub, une autre fois dans un nightclub club… et ainsi de suite…
Dans les soirées russes, on avait l’habitude de voir des groupes parfois improbables se mettre à jouer, pas toujours très bien, mais toujours avec une sorte d’ambiance planante. Ce fois là, ce groupe improbable, c’était nous. Nous avons joué 3 ou 4 fois sur scène devant un public sans jamais avoir rien préparé. D’ailleurs avec Ali, c’était impossible. Malgré tout, nous arrivions à trouver un rythme à tenir et à faire durer un moment. Presque à chaque fois des russes se mettaient à danser au rythme de nos instruments. Je garderais toujours un souvenir impérissable de ses moments là. Jamais ce genre de moment n’était arrivé en France. Il fallait que cela se passe en Russie.
Jumbe et cornemuse sur les canaux de Saint Petersbourg
Une autre fois, j’ai croisé un irlandais qui était lui aussi étudiant à Saint Petersbourg. Il jouait de la cornemuse (backpipes) et avait apporté son instrument avec lui. Il m’a proposé un jour d’essayer de jouer ensemble, cornemuse et jumbe, une drôle d’idée pour un drôle de mélange, qui nous a plu tout de suite. Il fallait essayer. L’occasion est venue d’elle même. Des amis anglais avaient loué une péniche pour y faire la fête pendant les nuits blanches. Nous nous y sommes retrouvés.
L’embarquement a eu lieu vers 7 heures du soir et nous allions y passer toute la nuit jusqu’au petit matin. Un cinquantaine de personnes en tout, des étudiants étrangers, des anglais, quelques français et quelques russes. Et nous sommes partis pour une nuit de folie sur les canaux saint pertersbougeois. Au bout de quelques temps l’ambiance s’est mise en place d’elle même, la musique et quelques verres aidant.
Là aussi, nous avons commencé à jouer. D’abord moi, seul à la percussion en improvisation. Puis cet irlandais très sympa, seul aussi à la cornemuse. Inutile de vous dire ce que ces sons là donnent avec le décor féérique qui défile le long des berges quelque chose d’incroyable. On voit passer les bâtiments impériaux, les ponts de pierre, les musées, le palais d’hier et les statues. La ville entière s’enfonce dans la nuit pendant que nous jouons à tour de rôle, puis ensemble.
Pas si facile de trouver un terrain commun entre percussion et cornemuse, je dois dire, mais nous avons quand même réussi à tenir de bons moments sur ces canaux, dans ce contexte flottant si particulier et même magique.
J’en garde là aussi un souvenir intense. Celui d’avoir participé à quelque chose d’un peu hors norme cette nuit là. L’une des choses que j’aime le plus dans la Russie que je connais, c’est sans aucun doute cette capacité qu’elle a a susciter une forme de spontanéité et d’énergie, où l’on se lance parfois comme pour cette petite aventure qui fût finalement très courte (juste une nuit blanche) mais inoubliable.
Suite et fin ?
La musique est un langage. Elle revêt de nombreuses formes, elle adopte de nombreux styles. Peu importe la technique, elle permet aux hommes de communiquer entre eux, avec ce qu’ils ont de plus profond. Les russes sont un peuple profond et ils ont beaucoup à communiquer. Pas besoin d’être un excellent musicien, même si il y a aussi d’excellents musiciens, bien sûr. Encore une fois, il suffit parfois de se laisser porter à la magie des lieux et des personnes qui vous entourent. Écrire ces quelques lignes m’a replongé dans des souvenirs qui me semblent déjà loin et si proches à la fois.
Et d’ailleurs, l’aventure musicale ne s’arrête pas là. Il y en a d’autres, bien sûr mais je ne vais pas tout vous raconter à la fois. Gardon-en pour plus tard… le fait d’aller à l’opéra, au Marinsky ou en concert voir l’un des groupe de rock mythique, Aouktsion dans un grand night club moscovite… ou encore cette émission de radio que j’ai eu l’occasion d’animer à mon retour en France, uniquement à base de musiques alternatives de l’Est et de Russie… tout cela fera l’objet d’un autre article. A suivre.
Crédit photo : Thomas Béguin
Cet article participe à l’événement inter-blogueurs « Voyager blogs » organisé par le blog fromside2side.com et dont voici la présentation pour cette 3ème édition : 2 ou 3 expériences musicales étonnantes en voyage
Vous avez-eu une expérience musicale étonnante lors d’un voyage en Russie, parlez-en dans les commentaires. Merci.
Salut,
super interessant ton article, pour moi qui ne connait absolument pas la Russie …
Merci pour ta participation à la 3ème édition du carnaval interblog.
L’article récap est en ligne sur mon blog :
from Side to Side
A bientôt
Isabelle
Apparently, Clash of Clans for PC too is available to play this recreation in your Home windows or Mac system easily.