Portrait – Benoît Lavoisier, acteur professionnel, passionné de théâtre russe

Théâtre russe : portrait – Interview

Aujourd’hui mon invité Benoît Lavoisier, acteur professionnel et poète

Il nous parle dans cette interview de théâtre russe, de ses pères et fondateurs et de l’influence qu’ils ont eu sur le théâtre mondial. Benoît a suivi une formation théâtrale fortement marquée par l’école de théâtre russe au sens large et a notamment reçu les enseignements d’Anatoly Vassiliev et de Peter Brook. Il est d’ailleurs monté sur les planches à Moscou, une aventure qu’il nous conte ici. dans les coulisses du théâtre russe.

Thomas : Salut à tous, on est sur Russie.fr. Je suis avec Benoît Lavoisier, acteur professionnel et poète qui va nous parler un petit peu de son parcours, de ses projets et de ses rapports en tant qu’acteur avec la Russie. Salut Benoît.

Benoît Lavoisier : Salut Thomas.

Thomas : Comment ça va ?

Benoît Lavoisier : Très bien. Parler de la Russie, c’est bien.

Thomas : Alors tu as joué notamment dans Mesrine…

Benoît Lavoisier : Oui, au cinéma.

Thomas : Tu as joué un certain nombre de pièces en France, au Canada, en Russie et dans différents pays. Tu as suivi un cursus de formateur assez complet et depuis des années où souvent les Russes avaient un rôle assez important.

Benoît Lavoisier : Oui…

Thomas : Est-ce que tu peux nous parler de tes débuts, donc de ton premier contact avec les Russes ?

Théâtre russe avec Benoît Lavoisier

Benoît Lavoisier : Et bien ça s’est passé, j’avais 20 ans et j’habitais au Canada. Je suis tombé dans un théâtre qui était dirigé par l’assistant de Jerzy Grotowski, un polonais.

Thomas : Alors Grotowski, c’est qui ?

Benoît Lavoisier : Grotowski a été un homme très très important dans l’histoire du théâtre russe. C’est le premier homme qui a commencé à élaborer tout l’appareil de l’acteur, de façon très précise, sur la voix. Et en fait j’ai commencé à travailler avec eux sur Dostoïevsky, sur Crime et Châtiment. Et depuis ce jour là, j’ai toujours été influencé et attiré par ce monde qui était décrit par Dostoïevsky. Et ayant lu toutes les œuvres, j’ai été passionné par tout ce monde là (que Dostoïevsky décrivait) et je me suis passionné pour toute la littérature russe.

Thomas : D’accord, donc Grotowsky c’est ton premier contact…

Benoît Lavoisier : Voilà. Grâce à eux j’ai commencé à rentrer dans… la Russie.

Thomas : C’est une école, c’est…

Benoît Lavoisier : Grotowsky, on peut dire ça, oui. C’était une école en Pologne et cet assistant a monté une école au Canada. Et Grotowski a été un homme capital dans l’histoire du théâtre mondial. C’est de lui qu’est sorti après le “Living Theatre”. Tout le théâtre mondial depuis les années 60 a été influencé par les travaux de Jerzy Grotowsky.

Thomas : D’accord, qu’on appelle donc théâtre de la recherche, c’est ça ?

Benoît Lavoisier : Voilà, c’est un théâtre de recherche sur comment fonctionne un acteur. Comment fonctionnent les impulsions des acteurs, comment on crée un acteur, comment il a une voix, comment il bouge sur la scène, quels sont les blocages qu’il a, “pour être en contact avec son énergie vitale”, comme il dit.

Thomas : Et donc voilà, tu as évolué avec l’influence de Grotowsky. Et ensuite qu’est-ce qui s’est passé, tu as rencontré je crois Brook ?

Benoît Lavoisier : Après, je suis allé en France et j’ai travaillé avec les acteurs de Peter Brook qui étaient aussi en contact avec les gens de Grotowsky, notamment il y avait un acteur qui était chez Peter Brook qui était Shislak. Il était l’acteur principal de Grotowsky. Et moi je suivais les ateliers là bas avec Bruce Myers, Yoshi Oïda…

Thomas : D’accord.

Benoît Lavoisier : Donc tous ces gens là ont été influencés par bien sûr le travail de Grotowsky, le travail du théâtre russe aussi. Parce que toute l’approche du théâtre de Peter Brook, c’est un travail sur l’improvisation, et à la base, qui a inventé ce système là ? C’est bien sûr Stanislavsky.

Thomas : D’accord, on y reviendra je pense tout à l’heure. Villégié, tu m’as parlé de Villégié.

Benoît Lavoisier : Oui, après avoir suivi Grotowsky, Peter Brook et tout, en fait je me suis passionné pour le théâtre classique français. Car j’adorais la langue, je trouvais ça beau, je trouvais ça intéressant. Et j’ai commencé à travailler avec les acteurs de Villégié, Christian Rist, Marc Zammit. Christian Rist qui avait un atelier de recherche ici à Paris dans le 20e, qui a formé les Sabine Haudepin, les Pascal Greggory, tous ces gens là. Et ça, c’est un travail qui est beaucoup plus sur la précision de la langue, qui fait partie de la grande école française sur “le son fait sens”. C’est tout le travail sur les syllabes et la beauté et la précision de la langue.

Thomas : Et donc tu a continué ton parcours… Tu as voyagé…

Benoît Lavoisier : Après ça, comme je m’intéressais beaucoup au cinéma, j’ai tourné dans un film. Et il y avait un acteur qui m’a vu jouer dans ce film là, qui m’a dit tiens mais il faut absolument travailler avec Anatoly Vassiliev, qui est un grand maître russe…

Thomas : … mondialement connu…

Benoît Lavoisier : Mondialement connu. Il a été célèbre en fait par Le Cerceau, en 1985, et Six Personnages en Quête D’Auteur, de Pirandello. Et ce spectacle a en fait révolutionné le théâtre mondial.

Thomas : En quoi ?

Benoît Lavoisier : Il a révolutionné le théâtre mondial parce que c’était probablement la première fois qu’on arrivait à jouer cette pièce. Et lui avait été formé par Maria Kneble, tout le système de Stanislavsky bien sûr. Il a réussi à  inventer un système qui s’appelle le système des jeux ludiques qui est très proche du théâtre grec. C’est à dire qu’il a mélangé le théâtre russe des idées avec Stanislavsky. Il a inventé un espèce de système qu’il appelle le système de jeu ludique. C’est un système un peu complexe, mais en gros pour être tout à fait simple, c’est un système qui nous permet d’avoir de la distance par rapport à ce que l’on dit, par rapport à ce que l’on vit, de rester tout le temps joyeux. Et cette rencontre était tout à fait capitale, parce que dans le théâtre malheureusement, ou heureusement, je ne sais pas, ça dépend qui on est, on a tendance a avoir une grande identification dans les personnages, les rôles et tout ça. Et Vassiliev qui est un petit peu un comique, m’a aidé et m’a permis justement à avoir beaucoup de distance sur… sur l’art justement… et à comprendre qu’est-ce que c’était que l’art et qu’est-ce que c’était que d’avoir une perspective en tant qu’artiste et en tant que personne.

Thomas : D’accord.

Benoît Lavoisier : suite a ça, j’ai été engagé par des gens qui étaient russes ou formés par des Russes. Et j’ai découvert le monde de Gogol… le monde de Gogol et de Dostoïevsky bien sûr. Ces petites pièces qui sont absolument incroyables… qui sont beaucoup plus simple à comprendre d’ailleurs pour comprendre les Russes. Il vaut beaucoup mieux lire les petites nouvelles et les petits livres qu’il a écrit, que lire les Crimes et Châtiment ou Les Démons, parce que c’est là au moins on a accès à… à la Russie, qui est un monde… La Russie en fait, il y a deux pays en Russie. Il y a ce que les gens vivent tous les jours. C’est un grand pays immense, un peu gris. Et il y a une autre vie qui est la poésie et la littérature…

Thomas : L’imaginaire .

Benoît Lavoisier : L’imaginaire ! C’est à dire que les Russes vivent dans leur cuisine par exemple avec Boulgakov, Lermontov, Pouchkine…

Thomas : Tout à fait.

Benoît Lavoisier : Donc ce sont des gens qui ont deux vies, qui ont une vie intérieure qui moi me touche énormément, parce qu’elle est… ce sont des gens très cultivés. Et aussi en même temps avec un espèce de grain de folie.

Thomas : Oui. Et donc il a un moment où tu as été amené à jouer Marina Tsvetaieva à Moscou.

Benoît Lavoisier : ça c’était une expérience unique, parce que moi, ça faisait depuis 20 ans que mon rêve c’était d’aller en Russie. A 20 ans, je voulais m’inscrire au GITIS. A l’époque c’était un peu compliqué d’aller au GITIS.

Thomas : Donc le GITIS pour ceux qui nous écoutent ?

Benoît Lavoisier : Le GITIS, c’est la plus grande école de théâtre russe et même de théâtre au monde. Ou c’était, mais en tout cas, pour moi, il y a deux grands peuples qui ont formé des acteurs dans le monde. C’est le GITIS, et à Londres la Royal Shakespeare Company. Ces deux endroits ont vraiment… Pour vous donner un exemple, un acteur en Russie est formé au bout de 7 ans, 10 ans…

Thomas : D’accord donc c’est vraiment des études.

Benoît Lavoisier : En France, au bout de deux mois, six mois, un an on est considéré comme un acteur, alors qu’en Russie ou en Angleterre c’est pas comme ça. On nous apprend à danser on nous apprend à… c’est des études qui sont beaucoup plus scientifiques et qui ne sont pas liés uniquement à ce qu’on appelle le talent spontané.

Thomas : Et comment est-ce que tu es parti en Russie pour aller jouer une pièce à Moscou ? C’est quand même une aventure en soi.

Benoît Lavoisier : En fait, il y avait un pédagogue chez Anatoly Vassiliev qui s’appelle Mario Bucciarelli, un Italien qui habite en Suisse.

Thomas : oui

Benoît Lavoisier : Il a été formé par le théâtre d’art à Moscou. Théâtre russe dirigé par Anatoly Vassiliev. Il m’a vu et il m’a engagé d’abord sur un spectacle, puis deux spectacles. Et après cette personne là avec beaucoup d’intelligence a construit une troupe avec des acteurs russes et des acteurs francophones. Il a monté un spectacle sur Marina Tsvetaieva qui s’appelle Mon Pouchkine où on avait intercalé des scènes de Pouchkine, de La Dame de Pique, par exemple, et des poèmes. Et donc… ou Eugène Onéguine. Et ces poèmes et ces bouts de scènes étaient faits simultanément et en français et en russe.

Thomas : Sur scène à Moscou ?

Benoît Lavoisier : Sur scène à Moscou. On l’a présenté d’abord en Europe. Et après on est allés à Moscou au théâtre russe de Vassiliev, a Povarskaya. Et là on a joué en Russie, en français et en russe. Et ça c’était absolument incroyable parce que non seulement les Russes connaissaient le texte en russe, mais ils connaissaient aussi le texte en français.

Thomas : Ils connaissaient aussi le texte en français, et voilà. La Russie !

Benoît Lavoisier : Voilà ! C’est absolument hallucinant. Moi je disais des poèmes en français et les gens comprenaient exactement.. ” a khorosho, khorosho, otchen khorosho”.

Thomas : Donc, tu as eu un public quia très bien reçu le spectacle et qui a pu apprécier.

Benoît Lavoisier : Oui, c’était un petit peu comme un rêve qui arrivait. C’est à dire que pour un acteur, aller jouer en Russie c’est un petit peu comme la Mecque du théâtre, surtout chez Anatoly Vassiliev qui est on peut dire l’icône mondiale du théâtre russe de recherche actuellement et qui est encore en vie. Mais ce qui est le plus troublant et le plus intéressant c’est que… moi ce qui m’intéresse le plus, c’est l’espace. C’est à dire qu’il faut voir que la Russie c’est un pays qui est tellement grand. Donc tout est grand, les sentiments sont grands, les gens sont grands, les désespoirs sont grands, les folies sont grandes, les possibilités sont grandes, tout est grand. Et surtout, il y a une notion que j’ai découvert grâce à la Russie et grâce à leurs écrivains et grâce à leurs pédagogues surtout, c’est que tout est possible.

Thomas : Tout est possible en Russie…

Benoît Lavoisier : Tout est possible en Russie. C’est à dire que… il y a une phrase de Nicolas Gogol qui résume à peu près ça et qui dit “de telles choses arrivent rarement, mais arrivent”. C’est à dire que c’est un pays où effectivement les chiens peuvent écrire des lettres. C’est un pays où on peut perdre son nez en se rasant le matin. C’est un pays où on vend des âmes. C’est le pays de Pouchkine quoi et c’est très intéressant le rapport entre la Russie et la France. Moi, je suis un passionné de Alexandre Pouchkine qui a été, je sais pas moi, il faut imaginer, le gars il a eu 300 femmes. Il passait son temps soit à cheval soit à se battre en duel et le soir il écrivait des poèmes, il les brûlait, à 80% il les brûlait.

Thomas : Et il est mort très jeune.

Benoît Lavoisier : Et il est mort très jeune dans un duel contre un français.

Thomas : C’est un français qui a tué Pouchkine.

Benoît Lavoisier : Dantès.

Thomas : ça c’est pas très… enfin c’est l’histoire, c’est comme ça…

Benoît Lavoisier : C’est pas très cool. C’est pas très cool, mais en même temps, c’est intéressant l’intérêt des Russes pour les français. Parceque par exemple…

Thomas : Ils ne nous en veulent pas spécialement en fait.

Benoît Lavoisier : Non pas du tout, ce sont des gens qui aiment beaucoup les français parceque…

Thomas : Oui ?

Benoît Lavoisier : C’est un petit peu ce dernier peuple où il y a des gens érudits et cultivés. Et il y a un lien toujours avec cet espèce de grand pays qu’est la Russie. Ils aiment la France. Et en fait, si on écoute, si on aime les Russes, il y a quelque chose qui est incroyable, c’est par rapport à la langue. Par exemple, le français est souvent très éduqué, très formaté et en même temps il peut être plus sensuel, plus peut être… pas plus élégant, mais peut être plus raffiné. Alors que le russe il est peut être plus brutal. Et en même temps ce sont deux choses qui s’opposent et en même temps ce sont deux choses qui sont nécessaires.

Thomas : Qui se complètent peut être ?

Benoît Lavoisier : Qui se complètent oui, exactement. Il ne faut pas oublier que la Russie nous apprend quelque chose, c’est que cet espèce de grand pays… Ils viennent en France, Anatoly Vassiliev, il vient à Paris. Il a fait des mises en scènes ici. Il a monté une école ici. Peut être que justement entre nos deux peuples il y a des similitudes. Ou en tout cas, il y a des besoins. Le plus grand pour moi, un des plus grands hommes de théâtre français, Vitez, était tellement influencé justement par la Russie. Tous les plus grands pédagogues, les grands metteurs en scène ont été influencés par la Russie. Et surtout si on est touché par le… si on arrive à trouver la clé dans les textes et dans les poèmes et dans cette littérature, on peut apprendre beaucoup sur soi-même.

Thomas : Oui…

Benoît Lavoisier : On peut apprendre beaucoup sur soi-même, sur la vie, sur les sentiments, la psychologie. Freud disait que Dostoïevsky, c’était le plus grand des psychologues. Dostoïevsky, il a été en prison… On peut apprendre à être libre… que ce soit en France ou en Russie ou au Canada ou en Italie, dans le fond le but c’est quand même d’apprendre à être libre, d’apprendre à être en contact avec ce qui est nous même, vraiment.

Thomas : C’est à dire qu’en fait la liberté, tout le monde y a droit, mais en même temps, ça s’apprend et c’est pas si facile.

Benoît Lavoisier : C’est pas si facile et un pays comme la Russie peut nous apprendre ça parceque tout est grand. Comme c’est grand, on comprend mieux. Tout est disproportionné, les forêts sont grandes, en plus moi je venais du Canada.

Thomas : Le Canada c’est grand aussi, mais là du coup…

Benoît Lavoisier : C’est grand aussi, mais culturellement, ça n’a absolument rien à voir. Et les Russes par exemple m’ont appris un truc absolument incroyable, c’est que l’être humain n’est pas… Ce n’est pas à l’être humain de juger l’être humain. Ce n’est pas à lui de se juger lui-même. C’est à quelqu’un d’autre, alors qu’on croie en Dieu ou pas, on s’en fou mais…

Thomas : ahh, c’est le fameux, “Eto Tak” ?

Benoît Lavoisier : Eto tak ! Eto tak ! L’être humain, il vit, il a des défauts. Peut être qu’il a été meurtrier. Peut être que comme Rasskolnikov il a tué deux personnes, mais et alors, ses actions ne sont pas que lui même, ne le limitent pas. Et ça c’est russe.

Thomas : Eto Tak, les choses sont telles qu’elles sont, on y peut rien. Il faut les prendre telles qu’elles sont…

Benoît Lavoisier : Les choses elles sont comme ça. Des fois les européens ils cherchent des explications là où il n’y a pas d’explications.

Thomas : On réfléchi beaucoup, chez nous, trop ?

Benoît Lavoisier : C’est Decartes. Alors, on a besoin de Decartes. Mais on a besoin aussi de ne pas comprendre.

Thomas : Alors que les Russes sont très spontanés si je ne me trompe pas. Ils réfléchissent moins, enfin ils savent agir sans trop réfléchir réfléchir et par rapport au travail d’acteur c’est un aspect essentiel.

Benoît Lavoisier : Un acteur, Meyerold ou Stanislavsky et d’autres disaient qu’un acteur, le but d’un acteur, ou d’un metteur en scène c’est de travailler sur l’excitabilité.

Thomas : Oui ?

Benoît Lavoisier : Si un acteur n’est pas excitable, excité…

Thomas : Dans le sens se mettre en vie ?

Benoît Lavoisier : Etre en vie. C’est à dire être en contact avec la Vie. Et être en vie, c’est pas forcément propre. Elle n’est pas forcément…

Thomas : Lisse ?

Benoît Lavoisier : Lisse. Elle ne se voit pas forcément. Elle ne se comprend pas forcément avec l’intelligence.

Thomas : Alors tu parlais de Meyerold et de Stanislavsky. Stanislavsky c’est l’un des pères du théâtre mondial on peut dire. Enfin en tout cas, c’est l’un des très grands dans l’histoire du théâtre mondial. A priori, il a laissé un oeuvre complexe traitée, retraitée, déformée et tout le monde dit un peu tout et n’importe quoi sur Stanislavsky, à commencer par la Grande école américaine, l’Actors Studio. C’est qui pour toi Stanislavsky.

Benoît Lavoisier : Stanislavsky, c’est un des premiers grands hommes de théâtre qui a théorisé sur l’acteur. Sur… arriver à définir ce qu’est un acteur. A l’époque où il était au théâtre russe d’art avec Tchekhov, Meyerold. C’est quoi un acteur ? Qu’est-ce que ça veut dire être un acteur ? Qu’est-ce que ça veut dire jouer quelque chose. Et comment on joue quelque chose. Comment on joue une scène, comment on prépare une scène ? Qu’est-ce qui fait concrètement un acteur sur une scène ? Et aujourd’hui des fois, j’entends oui, il faut être belle, il faut être beau, il faut avoir du charisme et dire les phrases comme ça. Non, le théâtre ça peut être une science, un peu comme la médecine. Et Stanislavsky a été l’un des premiers à élaborer un système là dessus. Et là où Stanislavsky a été déformé, c’est que… quand vers 1910, Freud est arrivé, toutes les théories de Freud sont arrivées, ils se sont engouffrés à l’intérieur de Stanislavsky. Et il a eu beaucoup de gens qui ont commencé à faire du théâtre, du cinéma, qui dans le fond, étaient là pour se soigner. Et donc, il y a eu plein de dérives avec Stanislavsky et la psychanalyse. Alors que dans le fond Stanislavsky et Meyerhold n’ont parlé que d’action. Il faut lire Meyerhold parceque c’était vraiment intéressant sur les actions.

Thomas : Mayerhold, juste pour préciser c’est un acteur russe. Il a un nom un peu anglophone, mais c’est un acteur russe de renom.

Benoît Lavoisier : C’est un acteur russe, c’est un collaborateur de Stanislavsky. C’est un acteur russe qui a été théoricien qui a travaillé avec Anton Tchékhov et Stanislavsky et a un moment donné, ils se sont séparés. Mais Stanislavsky et Mayhold, ils ont établi des règles pour dire à l’acteur : non, ce sont des actions que vous faites. C’est à dire que par exemple, l’acteur ressent des sentiments. Mais, il y a un personnage dans une pièce ou dans un film, mais il ne devient pas le personnage. Il joue avec le personnage. Donc, ce n’est pas qu’il imite le personnage. L’acteur c’est une personne qui s’appelle X ou Y. Et il joue avec ce personnage et il est touché par ce personnage, mais ce qu’on nous demande c’est… C’est le public qui doit être touché. Il faut faire très, très attention à toutes ces dérives là. Au début de l’Actor Studio encore, ça allait. Mais après, de plus en plus, c’est devenu comme une espèce de thérapie. Et depuis 50 ans, 60 ans, le théâtre et l’art mondial a été tué et gangrené par la thérapie. On vient parce qu’on est malheureux. Mais ça n’à rien avoir avec le théâtre.

Thomas : Et ce n’est plus le même but qui est poursuivi à ce moment là, forcément.

Benoît Lavoisier : Non, parce que le but, que Stanislavsky ou Mayerhold, Vassiliev, Grotowsky, Peter Brook… C’est l’Art. C’est à dire que l’Art… l’Art c’est un objet, et c’est un acte. C’est une action. Et c’est un acte généreux, et même on peut dire, altruiste, pour le public. Oscar Wilde, il a une notion qui dit que la vérité est dans celui qui regarde.

Thomas : Oui.

Benoît Lavoisier : Donc c’est le public qui regarde. Et Meyerhold et Stanislavsky quand on regarde très précisément… Dans le fond on recherche à trouver les actions des personnages et la distance entre l’acteur et le personnage. Les Russes ont une très belle image là dessus, c’est à dire que c’est comme si on regardait le personnage dans un masque.

Thomas : Dans un masque ?

Benoît Lavoisier : Voilà, c’est comme si le personnage était un masque et nous on regardait avec ses yeux. Qu’est-ce qu’il fait, comment il boit ? C’est pas forcément Benoît. Comment lui il boit ? Et ça évite justement le manque de distance et le fait que le rôle soit trop proche. Et si on regarde dans l’histoire du cinéma, ou si on regarde même dans l’histoire de certains acteurs connus, qui se sont assimilés dans leur rôle, c’est à cause de ça.

Thomas : Très intéressant. Tu as quelques projets en cours, peut être liés, peut être pas…

Benoît Lavoisier : C’est totalement lié. C’est totalement lié parceque je suis né en France, j’ai vécu 15 ans au Canada, mais mon âme et mon imaginaire, elle est complètement russe et polonaise.

Thomas : Tu me disais que tout cet apprentissage t’avais appris a acquérir plus de liberté.

Benoît Lavoisier : Plus de liberté et surtout grâce aux Russes, j’ai appris à…

Thomas : … à repousser tes propres limites…

Benoît Lavoisier : …à fabriquer une méthode. C’est à dire à ce que mon travail soit beaucoup plus précis. Non pas lié uniquement à l’intuition, pas lié uniquement aux sentiments, mais lié à l’intelligence, à la création d’un objet. Et c’est pour ça que… moi j’écris des poèmes et j’écris des textes, de la prose, depuis longtemps. Et là actuellement je travaille sur des projets de cinéma où j’écris des scénarios pour monter un film. Et sans cet apprentissage que j’ai eu, je ne pourrais pas le faire. Je ne sais pas si mon travail sera intéressant ou pas, c’est le public qui dira.

Thomas : Ok. Ecoutes Benoît, je te remercie pour cet échange très enrichissant. J’ai envie de te poser une dernière question avant de conclure. Je voulais te demander, la Russie donc c’est un pays… je ne te demande même pas s’il te fait rêver, cela paraît évident d’après  ce que l’on vient de se dire. Est-ce que il y a quelque chose par rapport à la Russie qui te manque, que tu aimerais voir plus, entendre plus. Si il y avait une Russiepas idéale, mais un peu plus… qui te fasse encore plus rêver, ce serait quoi ?

Benoît Lavoisier : Ce qui nous manque et ça c’est urgent, moi, je le vois tous les jours et dans ma vie concrète, c’est l’exubérance, la chaleur. Alors peut être qu’en Russie, c’est tellement extrême que, après, il y a des gens, ça peut leur paraître fatiguant. Mais dans le fond, là c’est un choix philosophique, c’est qu’est-ce qu’on recherche dans la vie ? Moi, je pense que je préfère vivre de passion, de chaleur humaine, d’exubérance, de fatigue. Avoir un chat qui passe et avoir des chiens qui écrivent des lettres, je ne sais pas, mais surtout, pas d’ignorance, pas d’ignorance. Et le monde meurt à cause de ça, à cause du confort, à cause du manque de chaleur…

Thomas : … de spontanéité peut être ?

Benoît Lavoisier : De spontanéité, de réserve comme disait Jacques Brel. Il est temps de prendre des risques, parceque le jour où vous mourrez, vous allez prendre quoi comme risques ? Vous serez déjà mort. Ici en France on est dans un pays où j’ai l’impression que tout le monde a peur de tout… des loups ? Y’a pas de loups ! Ce qui serait beau, c’est que la Russie ai moins de difficultés économiques. Mais, c’est très complexe, la Russie. Parceque pour gouverner un pays comme ça, comment vous faites ?

Thomas : Très bonne question.

Benoît Lavoisier : Comment vous faites ? C’est un pays où la moitié des Russes sont divisés entre Grignov ou Pougatchov.

Thomas : Alors pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas…

Benoît Lavoisier : Grignov et Pougatchov, c’est deux personnages principaux de la Dame de Pique. Grignov, c’est un soldat, un beau gars, généreux et fort en gros, qui défend la veuve et l’orphelin. Pougatchov, c’est l’inverse, il tue tout le monde. Il a été guillotiné sur la place rouge à Moscou. Et la Russie, c’est ça, c’est Grignov et Pougatchov.

Thomas : Ok.

Benoît Lavoisier : La moitié qui voudrait être le plus salaud, le plus meurtrier et l’autre… mais les deux se ressemblent en fait. Mais sans ça… les Chinois parlent du Ying et du Yang… c’est pareil.

Thomas : Donc les Russes ont leur Ying et leur Yang à eux.

Benoît Lavoisier : Voilà.

Thomas : Et le tout forme… un tout.

Benoît Lavoisier : Un ensemble.

Thomas : Et bien écoute, merci, je pense que ça fait une très belle conclusion. Ecoutes je te souhaite le meilleur pour la suite et pour tous tes projets.
Merci.

Benoît Lavoisier : Merci à toi Thomas.

http://benoit-lavoisier.synthasite.com

Agent de Benoît Lavoisier

Extrait de Don Juan avec Benoît Lavoisier, formé à l’école du théâtre russe

Et si vous voulez en savoir plus sur le théâtre russe et vous lancer dans des cours de théâtre russe, alors je vous invite à écouter cette interview sur une école et ses cours de théâtre à Minsk. Le théâtre russe y est enseigné et les cours sont accessibles à tous grâce à ce projet.

« Partagez vos impressions sur le théâtre russe ici avec moi et avec les lecteurs de Russie.fr. Laissez un commentaire à la suite de l’article,

merci et à très vite »

4 Commentaires

  1. mariage seine maritime

    Un grand merci pour cet article unique. Je suis un adepte de votre site. N’hésitez pas à naviguer sur le mien, l’animation pour les comités d’entreprises dans le 60, ça me connaît !

    Réponse
  2. Belmer

    J ai apprecie cet article et decouvert un acteur qui n est pas mediocre . Important . Je partage !

    Réponse
  3. Giovanna Benfenati

    Un portrait superbe et plein de choses intéressantes à apprendre. Merci!

    Réponse
  4. Jean

    Félicitations
    bravo Thomas et Benoît pour cet entretien
    Vive Vladimir Poutine, président de Fédération de Russie

    Réponse

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